Ouvert par les personnels, enseignant/e/s, chercheur/e/s, de l’université Paris 12, en grève à l’appel de la coordination nationale des universités, ce blog propose à tous les personnels et étudiants de Paris12 (UFR, IUT, IUFM, labos, etc.) un espace de mobilisation, d'information, de débat sur le mouvement déclenché en février 2009 contre:
- le projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs
- le démantèlement des concours de recrutement et le projet formation des enseignants des premier et second degrés
- les conséquences néfastes de la loi LRU pour les étudiants et tous les personnels enseignants, chercheurs, biatoss
- la remise en cause des statuts et des instances d'évaluation nationale
- la transformation des organismes de recherche en agences de moyens pour une recherche et un pilotage à court terme de la recherche et de l’enseignement supérieur par le pouvoir politique
- le contrat doctoral sans moyens réels
- la suppression des postes dans la recherche, l’enseignement, l’administration et les bibliothèques universitaires
- l'ouverture d'un marché du savoir et des enseignements du supérieur livré au secteur privé, commercial ou religieux.

L’Université n’est pas une entreprise, le savoir n’est pas une marchandise.
La professionnalisation à court terme n'est pas l'objectif premier de la formation universitaire.
L’investissement dans l'éducation à tous les niveaux est la plus sûre des relances.

Le gouvernement doit retirer ses décrets pour engager une véritable négociation avec les représentants des mouvements actuels et prendre en compte leurs propositions pour

- un service public de l'éducation de la maternelle à l'université accessible à tous
- une répartition égale des moyens de l'enseignement supérieur post-bac
- le développement des espaces de libertés pour l'enseignement et la recherche (libre débat, innovation, expérimentations, créations)
- des modes de recrutement et d'avancement reposant sur des critères nationaux explicites et transparents

Ce blog est modéré sous la responsabilité de la coordination des personnels en lutte et des organisations syndicales participant au mouvement.
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mardi 24 février 2009

Pour un vrai statut d'enseignant-chercheur, c'est 120 heures qu'il nous faut

Veuillez trouver , en activant le lien ci-dessous, une pétition que nous (comité de mobilisation de l'UFR de Physique de l'Université Paris Diderot-Paris 7) venons de rédiger et que nous vous invitons à signer. http://universites.ouvaton.org/ Comme il est dit à la fin du texte cet appel se situe dans le cadre d'une contre-proposition constructive au projet de décret rétrograde que le gouvernement tente actuellement de faire passer sur le statut des enseignants-chercheurs. Notre appel réclame notamment un volume statutaire de 120 h "devant les étudiants", qui permettra d'améliorer conjointement la qualité de la recherche et de l'enseignement. Contrairement aux projets du gouvernement, qui s'inscrivent dans une politique de destruction des services publics, les signataires de cette pétition affirment notamment leur attachement à un enseignement supérieur de qualité, libre et accessible à tous.

4 commentaires:

  1. Pendant que Valérie pécresse nous dit sur France Inter qu'elle ne supprime aucun poste et qu'elle aime les universités et la recherche, un autre discours est mis en place, à l'Elysée où Sarkozy s'obstine avec Darcos à détruire le potentiel universitaire.

    Le lien entre "enseignement" et "recherche" est-il vraiment en passe d'être affaibli dans ce pays?
    Mais qui voudra encore faire une thèse ?


    Les professeurs exerçant actuellement dans le secondaire pourraient
    être affectés, en service complet ou partiel, à l'université afin de
    créer des "passerelles" entre le lycée et l'enseignement supérieur.
    C'est une des pistes évoquées lors d'un déjeuner à l'Elysée, lundi 23
    février, auquel Nicolas Sarkozy avait convié onze professeurs du
    primaire et du secondaire, dont certains auteurs de livres sur
    l'éducation, comme Rachel Boutonnet, Sébastien Clerc, Bruno Descroix,
    Mara Goyet, Cécile Ladjali ou Christian Muzyk.
    Outre le chef de l'Etat et ses conseillers, étaient présents Xavier
    Darcos, ministre de l'éducation, et Richard Descoings, chargé de mission sur le lycée. Les échanges ont notamment porté sur les
    suppressions de postes. Bruno Descroix, professeur de mathématiques à
    Bobigny, a jugé "très ouverte" la discussion et s'est réjoui d'avoir
    pu insister sur "l'extrême difficulté de faire une réforme en
    annonçant des suppressions de postes au départ".

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/02/24/l-elysee-envisage-d-affecter-a-l-universite-des-professeurs-du-secondaire_1159664_3224.html#ens_id=1088072
    L'Elysée envisage d'affecter à l'université des professeurs du secondaire

    LE MONDE | 24.02.09 | 13h58 ? Mis à jour le 24.02.09 | 13h58




    http://www.leparisien.fr/societe/des-enseignants-de-base-dejeunent-a-l-elysee-23-02-2009-420929.php

    Des enseignants «de base» déjeunent à l'Elysée


    Ce sont des «enseignants de base», présentés comme n'étant ni
    syndicalistes, ni proches du ministère. Onze enseignants du primaire
    et du secondaire originaires de Mayenne, du Nord, de la Vienne et de
    région parisienne ont déjeuné ce lundi midi à l'Elysée avec Nicolas
    Sarkozy. Une rencontre qui a donné lieu à «une discussion ouverte», a
    rapporté l'un des convives, Bruno Descroix, professeur au lycée
    Louise-Michel de Bobigny (Seine-Saint-Denis), «j'ai pu dire qu'il
    était extrêmement difficile de faire une réforme en annonçant des
    suppressions de poste au départ».

    «Nous avons pu discuter des réformes en cours», a abondé son collègue
    Sébastien Clerc, enseignant au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
    «Nous, enseignants de base, nous sommes souvent pris en otage entre
    des syndicalistes qui disent non pour dire non et un ministère qui
    cherche à réduire le nombre de postes d'une manière parfois
    arithmétique (...) je souhaiterais qu'on puisse discuter davantage de
    l'intérêt stratégique de certains postes», a-t-il ajouté.

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  2. Non, les profs de fac ne font pas que 128 heures par an !
    Par Jean-Baptiste Legavre | Professeur des universités | 22/02/2009 | 14H23
    Outré du discours ambiant sur le temps de travail d'un enseignant-chercheur et la méconnaissance de la réalité du quotidien d'un enseignant à la fac, ce professeur des universités en information et communication a listé pour Rue89 l'ensemble de ses activités sur la semaine du 2 février.

    Les universitaires seraient-ils indéfendables parce qu’ils ne feraient "que" 128 heures de cours? Le seuil serait-il si ridicule qu’il faudrait, dans une conception punitive de l’évaluation envisagée par le gouvernement, obliger ceux qui font moins de recherche à faire plus de cours? Faudrait-il que les "mauvais" chercheurs soient plus souvent devant les étudiants, quand les "meilleurs" seraient dans leur laboratoires ou devant leurs ordinateurs?

    Faudrait-il que les évaluateurs soient d’abord le président de l’université et son entourage distribuant, dans une logique proprement politique, les prébendes ou autres caramels composés de primes, postes, avancements et responsabilités? Y compris lorsqu’ils sont étrangers à la discipline de l’universitaire contrôlé? Et alors que les enseignants-chercheurs demandent pour la plupart que des commission nationales indépendantes soient, discipline par discipline, les "juges" les plus décisifs.

    "Médiocre", a lancé le président de la République au professeur des universités que je suis dans son discours qui a cristallisé le mouvement actuel de protestation. Je suis enseignant-chercheur depuis près de vingt-cinq ans, titulaire depuis 1993, aujourd’hui dans une discipline au nom improbable: "les sciences de l’information et de la communication". Elle pourrait s’appeler "sciences des médias". J’habite Paris et j’enseigne dans une université de banlieue, Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Je co-dirige un master professionnel.

    Petites et grandes tâches, loin de l’idée qu'on se fait de la "grandeur" du métier.

    Je ne fais pas (que) 128 heures de cours. Ce seuil n’a aucun sens sinon pour ceux qui nous ont déjà condamné avant de comprendre; tous ceux qui aimeraient des universitaires serviles au seul service d’un système qui montre tous les jours ses limites.

    Mon agenda de la semaine du 2 février donne une assez bonne idée de mes activités. Ses logiques peuvent paraître éclatées. Le quotidien est fait de petites et grandes tâches qui sont loin de toujours correspondre à l’idée que je me fais de la "grandeur" du métier. Recherches, enseignements et responsabilités administratives y sont en tout cas étroitement mêlées.

    Lundi: le matin, je reçois une candidate de 40 ans qui pourrait suivre l’an prochain en formation continue le Master dont j’ai la co-responsabilité. Une heure d’entretien. Elle a beaucoup de questions. Elle hésite à poser sa candidature. Puis une étudiante de M1 qui voulait des conseils pour un entretien pouvant déboucher demain sur un stage de trois mois. Une demi-heure pour lui donner quelques « "trucs" et la rassurer.

    Puis une heure pour trouver une armoire qui accueillera les mémoires et autres rapports qui s’empilent dans mon nouveau bureau -ça ne fait que cinq mois que je tente d’en obtenir une supplémentaire. Quelques mails. Je revois mon cours pendant trois quart d’heure.

    L’après-midi, trois heures d’enseignement devant quarante étudiants de M1 ("Management des stratégies d’opinion"). Fin d’après-midi, une heure d’entretien avec un journaliste pigiste ("free lance" ou "indépendant"). Je travaille en ce moment sur les journalistes qui, tout en ayant une carte de presse et faute de ressources suffisantes, écrivent aussi des journaux d’entreprise ou des plaquettes de promotion. A travers eux, je réfléchis à ce que peut-être une frontière professionnelle -la communication est généralement rejetée par les journalistes. Et plus largement ce que signifie subvertir les limites consacrées d’un groupe.

    Mardi: six heures de cours, devant soixante étudiants (trois heures pour leur parler des "Enjeux contemporains de la communication"; puis trois heures en "Analyse des médias"). J’ai relu mes notes pendant le trajet d’une heure et demi dans un train de banlieue.

    Le midi, j’ai un rendez-vous avec un traiteur pour finaliser et négocier les tarifs de vingt repas à servir dans deux semaines pour les intervenants d’une journée d’étude sur la communication interne, journée organisée pour et avec les étudiants du master au cours de laquelle des professionnels et des universitaires échangeront. L’idée est aussi d’en faire un livre collectif ensuite.

    A la fin de mon cours de l’après-midi, une étudiante du premier semestre m’attend devant l’amphithéâtre. Elle me demande une lettre de recommandation et m’en explique la nécessité. Une autre veut avoir des conseils: elle a deux propositions de stage, lequel choisir? Puis, je cherche en vain des cartons dans la faculté pour pouvoir déménager mon bureau comme il m’a été demandé -il est désormais dans un autre bâtiment. Les appariteurs me proposent avec le sourire d’aller moi-même en chercher dans la grande surface commerciale à dix minutes de l’université. L’un d’entre eux, sans doute plus charitable, me donne un carton au format A4…

    Mercredi: deux entretiens le matin avec des pigistes; l’après-midi, quatre rendez-vous avec des élèves d’une des grandes écoles de commerce parisienne pour le suivi de leur mémoire -j’y interviens ponctuellement. L’une d’entre elle m’explique que son salaire d’embauche sera équivalent à celui que je gagne après vingt-cinq ans d’enseignement. Elle semble autant amusée que consternée.

    Le reste? Du travail administratif pour organiser les examens à venir du M2, vérifier que les études de cas sont arrivées, relancer deux professionnels en retard qui doivent me donner leur sujet, téléphoner à un consultant pour la seconde promotion du M2 (en apprentissage) et tenter de retrouver un créneau pour le cours qu’il m’a déjà fait déplacer deux fois, ses clients étant prioritaires- je "gère" une cinquantaine d’intervenants pour deux promotions de M2, l’une étant en apprentissage. Pas de secrétaire pour le faire, la "mienne" s’occupe de quatre diplômes et de la gestion quotidienne d’un département.

    Puis, une heure à relire les épreuves d’un chapitre d’ouvrage collectif dirigé par deux collègues. Je passe une demi-heure au téléphone avec une "dircom" d’un grand groupe basé dans le sud de la France. Elle me dit qu’elle ne voyage qu’en première classe et qu’il paraît bien compliqué de rejoindre la banlieue parisienne -ma faculté est à Guyancourt. Je lui explique le plus calmement possible que les normes fixées par nos autorités de tutelle nous permettent de rembourser son billet seulement en seconde classe. Je la sens moins motivée pour intervenir. Elle m’annonce que désormais, je traiterai de ce dossier avec sa secrétaire…

    Jeudi: encore des entretiens avec deux pigistes, au téléphone, ils habitent en province. Je les appelle de mon domicile -le téléphone de mon bureau à l’université m’interdit d’appeler la province. Le plus long entretien dure une heure quinze. Beaucoup de mails d’étudiants à traiter: des plans de rapports à regarder; des questions à résoudre; une étudiante déprimée me demande de la rencontrer pour me parler; je corrige une questionnaire établi par un groupe d’étudiants pour une enquête auprès des téléspectateurs d’une télévision locale (je tente de les former aux techniques d’enquête) et discute avec eux par mails de son amélioration pour que nous puissions ensemble commencer l’enquête. Je réalise un entretien d’une heure au téléphone à 22 heures avec un pigiste travaillant dans le sud de la France.

    Vendredi: une responsable de communication se désiste pour la journée d’étude. J’active par mails mes quelques relations. On me donne plusieurs noms possibles. Je téléphone à plusieurs d’entre eux. Je traverse Paris et passe rapidement dans une grande bibliothèque pour emprunter un ouvrage… qui est exclu du prêt.

    Déjeuner avec une collègue: mi-détente mi-partage d’expérience. Je passe trois heures dans un séminaire sur le journalisme à la maison des sciences de l’homme. Deux doctorants présentent une enquête passionnante et les échanges nous font tous progresser. Nous sommes six dans une salle, deux titulaires, deux docteurs et deux doctorants. Je me surprends à envier le temps qu’ont ces jeunes pour enquêter, lire, écrire et nous stimuler en nous prouvant qu’ils ont des choses à nous apprendre. Deux sont pourtant dans l’attente trop longue de postes qui ne viendront peut-être pas.

    Rentré chez moi, j’écris un mail à un des doctorants pour lui proposer d’écrire un chapitre dans un ouvrage que je commence à construire sur "l’informel dans le rapport aux sources des journalistes". Il me répondra de manière modeste et passionnante: il accepte. Une lumière de plus dans cette journée.

    Mais avant cela, j’achète vite un ouvrage dans une grande librairie de sciences sociales à une demi-heure du lieu du séminaire. Je dépose ensuite des CDRom chez une doctorante que je tente de ne pas trop exploiter pour retranscrire en urgence sept entretiens réalisés avec ces pigistes -j’ai réussi à trouver un (modeste) financement. A mon domicile, j’échange longuement par mail avec une pigiste que j’ai eue au téléphone. Je tente de garder mon calme devants son agressivité: sans doute un effet de la précarisation, elle me dit à travers moi tout le mal qu’elle pense des universitaires.

    Samedi et dimanche: trois heures de travail, entre préparation d’un nouveau cours et gestion administrative. Un peu de lecture.

    Tous les soirs de la semaine sauf le samedi, travail entre 22 heures et minuit ou, plus souvent, une heure du matin. Coucher sur le papier quelques hypothèses ou pré-conclusions, lire des articles ou bouts d’ouvrages pour solidifier l’ensemble. Mais surtout répondre à des mails d’étudiants et organiser le quotidien du diplôme.

    Le métier d’universitaire se fait de plus en plus par Internet: j’ai rédigé 326 mails en une semaine. Moins d’une dizaine d’ordre privé. Une dizaine pour plaisanter avec des collègues. Une dizaine avec deux collègues avec qui j’organise cette journée. Une vingtaine avec le co-directeur du diplôme pour caler son organisation. Une trentaine pour échanger sur les mobilisations pour faire reculer le Gouvernement. Trois pour demander à ma compagne de me faire des tirages papier sur son lieu de travail, mon imprimante est en panne, l’université ne peut me remplacer une des pièces avant deux mois.

    Le reste des mails concerne les étudiants ou la secrétaire du diplôme pour transmettre l’emploi du temps, lui dire de ne pas oublier de vérifier la liste d’émargements de la semaine ou lui demander si les comptes permettent de prévoir un petit-déjeuner avant de commencer la journée d’étude.

    Si ce n’était cette mobilisation contre Valérie Pécresse, ces jours ont été (presque) ordinaires. Je n’ai pas toutes les semaines des entretiens ou une journée d’étude à organiser. Des copies ou rapports à lire, un peu d’écriture, plus de lectures, plus de cours ou plus de rendez-vous avec les étudiants auraient pu les remplacer. Mais le rythme aurait été équivalent.

    Bloquer la "machine" en démissionnant de nos responsabilités administratives?

    Cette semaine a charrié son lot de frustrations. J’ai certes pour une fois réussi à m’extraire du quotidien pour ma recherche en cours. Mais ce travail administratif est toujours aussi chronophage et les étudiants toujours aussi demandeurs de liens directs -Internet les a désinhibés…

    Je n’ai pas réussi non plus à dégager du temps pour écrire. Le lot commun. Il faudra attendre les vacances et l’été. Ou le week-end précédant la journée d’étude. Je m’enfermerai pour écrire. Je refoule ma mauvaise conscience alors que des collègues dans d’autres départements font grève. J’ai tenté de relayer autour de moi l’idée de bloquer la "machine" en démissionnant de nos responsabilités administratives. Je n’ai pas eu beaucoup de succès.

    Une manifestation nationale est programmée dans une semaine. Elle est pour moi une évidence. J’ai dû pourtant manifester moins de cinq fois dans ma vie. M’imaginer parmi les contestataires amuse au plus haut point mes trois enfants.

    JBL

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  3. A quoi servent les humanités - par Georges Molinié, président de l’université de Paris IV, "L’Humanité" du samedi 21 février 2009


    Paris-Sorbonne est une université de renommée mondiale où sont enseignées de nombreuses disciplines littéraires. Elle est peuplée de gens que ces savoirs passionnent, au point de faire de leur élaboration et de leur transmission un idéal de vie. Or, l’utilitarisme dominant leur assène sans cesse une même question, implicite ou explicite, parfois avec candeur, trop souvent avec mépris : à quoi ça sert ? La réponse doit être franche et catégorique : ça sert.

    Former aux Humanités, c’est former par les Humanités des jeunes qui s’en approprient les méthodes : la pensée critique, la rigueur intellectuelle, l’argumentation rationnelle, la curiosité, la conviction que l’on n’a jamais fini d’apprendre, qu’il faut toujours adapter son jugement aux mutations du monde et à la pensée de l’Autre.

    Ces valeurs ne sont pas enseignées comme des dogmes, car les étudiants sont guidés progressivement vers plus d’autonomie intellectuelle. C’est tout le sens de la formation par la recherche qui doit constituer le c?ur de nos masters. L’acquisition de ces valeurs doit préparer les générations montantes à prendre les rênes du pays.

    À ce titre, professionnaliser les études initiales serait dévastateur.
    S’adapter aux besoins des entreprises en travaillant à leur fournir une main d’?uvre hyper-spécialisée n’est pas la bonne solution, parce que dans notre monde en perpétuel changement, les besoins des entreprises évoluent très vite, vouant à très court terme toute formation hyper-technique à être périmée. Ce qu’il faut, en revanche, c’est mettre en place à l’université des enseignements généralistes, dispensés en beaucoup plus petits groupes. À la Sorbonne, nous sommes en train de créer des « licences fortes », accessibles à tous, mais qui demandent aux étudiants un travail intensif. Cela exige des moyens. Or, la logique gouvernementale va exactement dans le sens inverse.

    La communauté universitaire s’inquiète des obstacles qui sont mis à la réalisation de ses missions. Elle en est réduite à s’opposer à des suppressions de postes, alors même qu’elle a dû faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants, sans que les moyens nécessaires lui soient alloués. L’écart de dépenses consenties par l’État, pour chaque étudiant, entre l’université et les autres filières d’enseignement supérieur est scandaleux.

    Le gouvernement pourra répondre, comme il l’a fait pour l’enseignement secondaire, que le qualitatif prime sur le quantitatif. L’un ne va pas sans l’autre. Surtout, la qualité de l’enseignement universitaire repose sur son articulation avec la recherche la plus neuve et la plus rigoureuse.
    Avalisant l’idée que plus d’enseignement puisse être accompli par des professeurs moins en prise avec la recherche, sans perte pour la qualité des formations, le projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs est fondé sur un contresens. On a beaucoup glosé sur l’évaluation des universitaires. Eh bien, sur ce plan-là, le gouvernement gagnerait à mettre le qualitatif en avant. Nous écrivons des livres et des articles : qui veut les évaluer doit les lire et en comprendre les conclusions, pas seulement les compter.

    Enfin, les nouvelles modalités de recrutement des enseignants du 1er et du 2nd degré seraient une régression dont les élèves feraient les frais.
    En supprimant le stage de formation en alternance rémunéré qui assurait aux lauréats du concours une entrée progressive dans le métier, le gouvernement affirmerait son refus de faire le lien entre la formation universitaire et la formation professionnelle des futurs enseignants. Il refuserait d’assumer ce que les entreprises, si chères et exemplaires à ses yeux, font. Car toute entreprise recrute en fonction des qualités intrinsèques qu’elle perçoit chez les candidats, avant de les former de manière précise aux missions qu’ils devront accomplir dans leur travail.
    Vouloir remplacer l’année de formation en alternance par une pseudo-formation facultative et bénévole qui se tiendrait lors du second semestre d’un master 2 est irresponsable. Une telle usine à gaz se révèlerait néfaste pour l’équilibre et le contenu des masters : comment les étudiants pourraient-ils en plus et se former par la recherche, en rédigeant un mémoire, et préparer un concours de haut niveau ? De la maternelle à l’université, l’ensemble du système éducatif de notre pays encaisse des coups auxquels le gouvernement donne le nom de réformes. C’est bien pour la défense de l’école de la République tout entière qu’il faut se mobiliser aujourd’hui.
    CD

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  4. LES JURISTES DANS LA LUTTE
    UN MAUVAIS POINT POUR GIESBERT

    Olivier Beaud et le journal Le Point

    Au début du mois de février, Franz-Olivier Giesbert publiait dans Le Point un édito particulièrement remarqué des enseignants chercheurs. Si ce n’est déjà fait, vous pourrez en prendre connaissance ci-après. Nous sommes apparemment nombreux à trouver l’article insultant. Nous faire reprocher la qualité de notre travail de la part de quelqu’un qui doit avoir sa carte de presse et qui n’a même pas fait l’effort d’enquêter sur le sujet est, pour reprendre ses termes, “navrant”. Il faut savoir qu’Olivier Beaud participait jusqu’à il y a peu à ce journal. Il adresse aujourd’hui une lettre à Franz-Olivier Giesbert pour lui indiquer qu’il cessait sa collaboration avec le périodique. C’est ce courrier que nous reproduisons. Notre collègue fait ici preuve d’une grande cohérence avec ses propres convictions et il faut saluer sa décision.

    L’édito du Point du 05 février 2009
    L’idéologie du père peinard
    Dans quelle décennie du siècle dernier sommes-nous retombés ? La France est toujours telle qu’en elle-même l’éternité la fige : cabocharde et conservatrice.
    Le conservatisme français se pare le plus souvent d’oripeaux prétendument révolutionnaires et prend une posture de gauche pour refuser les réformes qui pourraient troubler son confort.
    C’est ce qui se passe aujourd’hui avec le consternant mouvement contre le décret de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, changeant le statut des enseignants-chercheurs. Pensez ! Ils risqueraient d’être soumis à une véritable évaluation et, pis encore, à une concurrence entre les universités.
    D’où l’appel à la grève illimitée d’enseignants ou de chercheurs qui, derrière leur logomachie pseudo-révolutionnaire, ont souvent, chevillée au corps, l’idéologie du père Peinard. La France est un des pays d’Europe qui dépense le plus pour son système éducatif, avec les résultats que l’on sait. Il faut que ce fiasco continue, et tant pis pour nos enfants, qui, inconscients des enjeux, se feront de toute façon embringuer par des universitaires, réactionnaires au sens propre du mot.
    Ce que démontre ce navrant épisode, c’est que les réformes de ce genre passeraient peut-être mieux si elles venaient de la gauche. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’il y ait une gauche, une vraie, capable de penser l’avenir du pays.
    En attendant, s’il veut pouvoir remettre les pendules à l’heure à tous les étages de la société française, le pouvoir serait bien inspiré de s’en prendre aussi à la poignée de goinfres, anciens demi-dieux de la finance, qui, après avoir grugé tout le monde, sont repartis les poches pleines. Ne pourrait-on pas les leur faire un peu ?
    Franz-Olivier Giesbert

    La lettre du 20février 2009
    Monsieur,
    Dans le Point du 5 février (n° 1899), vous avez publié un éditorial intitulé “l’idéologie du père Peinard” qui était une attaque en règle contre les universitaires protestant contre les réformes en cours sur le projet de de statut et la “masterisation” des concours.
    Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été très choqué par le contenu et le ton de cet article qui donnait au grand public une image caricaturale du milieu universitaire et de notre métier. Le mot qui vient à l’esprit pour le caractériser est celui de “poujadisme anti-intellectuel”.
    C’est pour cette raison que, sollicité par plusieurs de mes collègues de l’université de Paris II, également outrés par votre éditorial, j’ai co-signé une lettre de protestation collective. Vous m’avez fait savoir préalablement à l’envoi de cette lettre que vous étiez d’accord sur l’idée même d’une sorte de droit de réponse. Mais lorsque nous vous avons adressé notre texte par courriel, le 12 février 2009, vous avez alors exigé, pour le publier, des coupures tellement substantielles que nous les avons refusées. Nous avons préféré publier intégralement ailleurs, ce qui fut fait, le week-end suivant, dans la version électronique du Journal du Dimanche.
    Il va de soi que vous pouvez exprimer vote désaccord avec le mouvement de protestation des universitaires. Mais dès lors que vous l’avez fait avec la radicalité des propos tenus dans votre éditorial, il est plus surprenant que vous “censuriez” une réponse qui restait courtoise sur la forme, même si on pouvait la juger ironique. Une telle inégalité est choquante car votre attaque est restée finalement sans réponse dans votre journal. Par ailleurs, il ressort de cet épisode que nos positions sont totalement divergentes sur la question universitaire. Etant de ceux qui sont parmi les plus impliqués dans le combat visant à faire retirer le projet de décret statutaire, je suis contraint d’en tirer les conséquences.
    Après avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de cesser désormais toute collaboration avec le journal que vous dirigez. Je ne rédigerai donc plus les billets sur le droit constitutionnel que Mme Pierre-Brossolette publiait dans la rubrique “France”. Croyez bien que je regrette profondément cette décision. J’avais, jusqu’à présent, bénéficié d’une totale liberté dans cette chronique et beaucoup apprécié la faculté qui m’était offerte d’exposer au public, de façon didactique, des questions constitutionnelles d’actualité.
    Sachez bien, enfin qu’on ne peut pas à la fois solliciter les universitaires comme experts, quand on a besoin de leurs lumières, et les vilipender comme des fonctionnaires fainéants et épris de conservatisme dès qu’ils s’opposent à des réformes qui abaissent leur statut et portent atteinte à leur identité professionnelle.
    Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs
    Olivier Beaud

    La lettre que Franz-Olivier Giesbert n’a pas voulu publier - bel exemple du respect du droit de réponse - et qui a été diffusée par le JDD :
    “Quelques universitaires ont découvert en lisant votre éditorial du 5 février la haute estime dans laquelle vous les tenez: réactionnaires confortablement installés dans ‘l’idéologie du Père Peinard’. Et, s’ils répondaient que le journalisme consiste à écrire un tiers de page par semaine et à se montrer deux heures à la télévision? Ce serait amusant. Pas démagogique du tout…
    Un journaliste informe le public. Nous sommes tentés de penser que vous n’avez pas agi en journaliste en écrivant cet éditorial. Vos lecteurs ont le droit d’avoir une autre information pour se faire une opinion éclairée.
    Parlons de ce que nous connaissons: l’enseignement du droit. Les universités ont absorbé l’accroissement du nombre d’étudiants sans que leur financement ait augmenté dans les mêmes proportions. Notre université (Paris 2, Assas pour faire bref) est à l’avant-dernière place des universités françaises pour les moyens matériels et l’encadrement des étudiants. Vous voyez, nous n’avons même pas les moyens de gaspiller ‘votre’ argent…
    Nous refuserions toute ‘véritable évaluation’? Pourtant, beaucoup d’aspects de notre activité sont déjà évalués: recrutement, avancement, centres de recherche… Il est vrai que nous refusons une ‘fausse évaluation’ par un président d’université et un conseil d’administration ignorant tout de notre discipline.
    Nous refuserions la concurrence entre universités? Les universitaires ont sans doute des opinions diverses sur ce point. Mais, vous êtes-vous interrogé sur la concurrence déloyale qu’entretient le ministère entre les grandes écoles et les universités?
    Nous voudrions que ‘le fiasco continue et tant pis pour nos enfants…’? Où est le fiasco à en juger par la lecture du Point (n°1899, p.30): ‘les entreprises cherchent des juristes’. Sans doute parce qu’ils sont mal formés?
    Universitaires et journalistes partagent une indépendance que l’on connaît dans tous les pays démocratiques. Elle fait certainement des obligations aux universitaires. Aux journalistes aussi…”
    Signataires: Olivier Beaud, Dominique Bureau, Charles Jarrosson, Denis Mazeaud, Philippe Théry - tous professeurs de droit à l’Université de Panthéon-Assas (Paris II)


    Et la réponse de FOG en date du 24 février 2009 est :

    « Cher Olivier Beaud,
    Je n’ai pas compris votre lettre.
    Si vous avez bien lu mon éditorial, je ne jette pas l’opprobre sur le métier d’enseignant, bien au contraire. Je ne vois pas ce qui pouvait y viser un professeur de droit à Assas, mais bon, vous vous êtes apparemment senti visé.
    Loin de moi l’idée de vilipender à longueur des colonnes les « fonctionnaires fainéants, » comme vous dîtes. Mais je ne suis pas non plus, mille excuses, un partisan du statu quo. Je me suis contenté de plaider pour une réforme de la recherche et pour plus d’évaluation. Vous considérez cela comme une agression mais si la recherche a des problèmes en France, si nous enregistrons une fuite des cerveaux scientifiques, il doit bien y avoir une raison. Ne faut-il pas chercher à y remédier ?
    « Le Point » est un journal qui aime le débat. La preuve, il venait de faire appel à vous, qui êtes engagé, pour commenter les questions constitutionnelles.
    Si j’ai proposé quelques coupes à votre courrier collectif, c’est parce qu’il était très long, plus long que le texte qu’il contestait, et qu’il n’aurait souffert en rien d’être un peu élagué. Pardonnez-nous, mais nous faisons un petit travail d’artisan et nous sommes souvent amenés à changer, à amender ou à raccourcir nos articles. C’est une forme d’humilité que nous apprend le journalisme.
    Je suis désolé que vous cessiez votre collaboration, qui était utile, pour ce qui reste, à mes yeux, un malheureux malentendu.
    A bientôt, peut-être.
    Amitiés, Franz-Olivier Giesbert »

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