Ouvert par les personnels, enseignant/e/s, chercheur/e/s, de l’université Paris 12, en grève à l’appel de la coordination nationale des universités, ce blog propose à tous les personnels et étudiants de Paris12 (UFR, IUT, IUFM, labos, etc.) un espace de mobilisation, d'information, de débat sur le mouvement déclenché en février 2009 contre:
- le projet de décret sur le statut des enseignants-chercheurs
- le démantèlement des concours de recrutement et le projet formation des enseignants des premier et second degrés
- les conséquences néfastes de la loi LRU pour les étudiants et tous les personnels enseignants, chercheurs, biatoss
- la remise en cause des statuts et des instances d'évaluation nationale
- la transformation des organismes de recherche en agences de moyens pour une recherche et un pilotage à court terme de la recherche et de l’enseignement supérieur par le pouvoir politique
- le contrat doctoral sans moyens réels
- la suppression des postes dans la recherche, l’enseignement, l’administration et les bibliothèques universitaires
- l'ouverture d'un marché du savoir et des enseignements du supérieur livré au secteur privé, commercial ou religieux.

L’Université n’est pas une entreprise, le savoir n’est pas une marchandise.
La professionnalisation à court terme n'est pas l'objectif premier de la formation universitaire.
L’investissement dans l'éducation à tous les niveaux est la plus sûre des relances.

Le gouvernement doit retirer ses décrets pour engager une véritable négociation avec les représentants des mouvements actuels et prendre en compte leurs propositions pour

- un service public de l'éducation de la maternelle à l'université accessible à tous
- une répartition égale des moyens de l'enseignement supérieur post-bac
- le développement des espaces de libertés pour l'enseignement et la recherche (libre débat, innovation, expérimentations, créations)
- des modes de recrutement et d'avancement reposant sur des critères nationaux explicites et transparents

Ce blog est modéré sous la responsabilité de la coordination des personnels en lutte et des organisations syndicales participant au mouvement.
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jeudi 19 février 2009

Hommage à Raymond Queneau et au Président Darcos


Le « Groupe Février (objectivement) » de Paris 12, dont la notoriété internationale a d’ores et déjà permis de faire gagner 150 places à l’Université Paris 12 dans le Classement de Shangaï crée l’événement sur le blog « Paris 12 en lutte » : LES EXERCICES DE STYLE MOI-JE

Chaque jour un texte-hommage au Président Darcos sera publié dans cette rubrique ; texte conçu selon des règles de réécriture précises, fidèles à l’esprit oulipien de Maître Raymond.
Les règles sont les suivantes :

Règle n°1 : A partir du texte de la désormais fameuse déclaration « Moi-je » prononcée par le Président Darcos sur RMC le jeudi 12 février 2009, produire, dans le plus grand respect stylistique du modèle, un autre texte en écho, en prolongement ou en réponse à ce texte, appelé désormais « texte-source ».

Règle n°2 (qui précise la règle n°1) : Le texte produit devra laisser paraître sa connaissance intime du texte-source et s’inscrire dans l’un quatre types suivants :
- Type A, le Miroir : Le texte produit sera une réponse au texte-source (lettre de candidature, lettre de soutien ou de protestation, lettre d’admirateur, etc.) ;
- Type B, le Prolongement : Le texte produit sera un prolongement possible du texte-source, l’identité MOI-JE du texte-source étant alors soigneusement préservée ;
- Type C, la Réécriture : Le texte produit sera une réécriture avec changement de tonalité (ex : « Humble », « Bonimenteur », etc.) ou de genre (ex : « Chanson », « Sonnet », etc.)
- Type D, la Transposition : Le texte produit sera une transposition du texte-source dans un autre domaine, l’identité MOI-JE du texte produit étant alors différente, mais assurément proche, de celle du texte-source (ex : « Moi-je ministre de la santé », « Moi-je Dieu », etc.).

Règle n°3 : Chaque texte indiquera en titre la contrainte (tonalité, genre, identité Moi-je), qui préside à son écriture (ex : « Servile », « Sergent-recruteur », « Etonné », « Petite annonce »…)

Règle n°4 : Tous les textes seront publiés sous la signature unique du « Groupe Février (Objectivement) » de Paris12, car tout auteur dont le texte aura été retenu et publié deviendra objectivement et de fait : membre du « Groupe Février (Objectivement) ».
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Chaque jour, le « Groupe Février (Objectivement) » réuni en conclave permanent choisira parmi les productions de ses membres actuels et les propositions de ses membres futurs le « texte du jour » qui sera publié sur le blog.
Le texte-source est consultable sur tous les bons blogs, notamment :
http://www.shesp.lautre.net/spip.php?article43
(Ceux qui ne l’ont pas fait pourront en profiter pour signer la pétition-réponse)

Aujourd’hui, jour de lancement, à titre exceptionnel, deux textes vous sont proposés…

Catégorie Texte-Miroir (Type A) :

Servile
Lettre de candidature aux concours personnels du Président Darcos,
Votre Altesse,
Je vous prie de bien vouloir m’accorder l’immense honneur d’être recruté par vous-même en personne, et sans formation. Depuis que je vous ai entendu, je n’ai objectivement plus aucune raison de repousser le moment de me faire recruter sur le champ par vous et par vous seul. On me dit « Pour être professeur, il faut un minimum de connaissances et d’études à l’Université »… moi je ne sais rien, mais vous, vous savez. Et si c’est vous-même qui me recrutez, je sais que j’aurai un bon maître et que je n’aurai besoin d’aucun autre système de formation. Alors moi je veux bien passer tous vos concours à vous, parce que je sais qu’avec vous, si je me présente je l’aurai. Moi non plus Votre Altesse je ne veux pas des discussions pénicillines avec des préparateurs qui nous font perdre notre temps à nous deux. Et avec moi, je vous le garantis, dans vos classes, il n’y en aura pas des discussions ; ça sert à quoi les discussions ? C’est pourquoi, Votre Altesse, je me déclare votre très humble recrutable à vos concours à vous, car je crois que je corresponds vraiment à ce que vous définissez si bien, et je n’aspire qu’à être garanti par vous-même, et rien que par vous. Et si les autres ne vous suivent pas, moi Votre Altesse Vous-Même, je jure que je vous suivrai et que je suis, de tous les chacun qui vous suivront, le chacun le plus près à vous suivre, vous et vous seul.


Catégorie Texte-Prolongement (Type B)

Edgar Poe (The tell-tale heart)
Objectivement, il n’y a pas de raison, je leur ai dit hier, à RMC. D’ailleurs, tout le monde me le dit à moi : j’ai raison – il n’y a pas de raison. Ils en veulent ou ils n’en veulent pas, mais objectivement, moi, personnellement qui recrute des milliers de gens, moi, je n’ai absolument pas besoin de m’en occuper. Il paraît, on me dit, j’entends, que certains – non recrutés par moi, bien sûr, moi je n’aurais pas commis ce genre d’erreur – certains, oui certains, pas moi, désapprouvent. Mais moi je suis d’accord avec moi et c’est l’essentiel. Je définis, je recrute, moi. Ceux que je recrute moi, ils sont comme moi, je le garantis ! Ils me ressemblent, à moi, et ça, ça me rassure. Parce que j’avais peur avec toutes ces discussions sibyllines, de ne pas être entouré par moi, de perdre des bouts de moi, que moi… ne soit plus d’accord avec moi. J’avais peur, oui objectivement, j’avais peur de l’autre en moi… je… de celui qui ne sait pas qu’objectivement il n’y a pas de raison… je…. je…parfois, la nuit, je me dis que je n’ai plus de raison à moi – objectivement …
On toque à la porte. Elle s’ouvre.
- Sybil, que m’apportez-vous là ? quel est ce plateau qu’objectivement je n’ai pas, moi-même, personnellement, commandé ?
-Vos médicaments Monsieur.

Les contributions des futurs membres du «Groupe Février (Objectivement)» doivent être envoyées à : grpfevrier@yahoo.fr.

2 commentaires:

  1. Puisqu’il vaut mieux en rire, voici une autre forme, ludique de contestation des « réformes en cours ». Il s’agit de se défouler tout en faisant monter le classement de l’université que vous représentez. Les scores de toutes les universités françaises sont collectés en temps réel et listés dans un classement global nommé le "Classement de Sandales" en écho au "Classement de Shangaï" tant invoqué pour justifier les réformes en cours. L'esprit de mise en concurrence des universités contenu dans les réformes actuelles sera ici mis à profit pour stimuler notre combativité et notre compétitivité ! L’université Paris 12 a besoin de vos performances car j’ai tenté ma chance rapidement mais n’étant pas adepte des jeux d’adresse, Paris 12 s’en trouve au 66ème rang des universités françaises. À vous de jouer pour remonter Paris 12 dans le classement de Sandales : http://www.classement-de-sandales.net/

    Un article à lire et à diffuser pour informer sur la place réelle de l’évaluation dans la carrière des enseignants-chercheurs : http://www.mediapart.fr/club/blog/frederique-matonti/080209/petite-mise-au-point-sur-l-evaluation

    Et bientôt en excusivité, un conte de fées, à propos des chaires d’excellence…
    vc

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  2. L'art et les chercheurs
    Les chercheurs-inventeurs d’avenirs

    Le mouvement des enseignants-chercheurs, en particulier ceux de sciences humaines, de lettres et philosophie, et de toutes les disciplines de la culture et de l’art, vient de loin. Il répond au mépris qui s’est répandu en France de façon sourde et continue, dans une société pourtant héritière d’un brillant passé. Et cela, autre paradoxe, à un moment où l’économie de l’intelligence et du savoir apparaît comme la meilleure voie pour surmonter l’actuelle crise systémique du capitalisme.
    La dernière élection présidentielle a considérablement accrû le mépris voué, aux plus hauts niveaux de l’État


    Le mouvement des enseignants-chercheurs, en particulier ceux de sciences humaines, de lettres et philosophie, et de toutes les disciplines de la culture et de l’art, vient de loin. Il répond au mépris qui s’est répandu en France de façon sourde et continue, dans une société pourtant héritière d’un brillant passé. Et cela, autre paradoxe, à un moment où l’économie de l’intelligence et du savoir apparaît comme la meilleure voie pour surmonter l’actuelle crise systémique du capitalisme.
    La dernière élection présidentielle a considérablement accrû le mépris voué, aux plus hauts niveaux de l’État, à la culture et à l’éducation, comme en témoignent une arrogance inouïe et des atteintes majeures portées aux conditions matérielles et statutaires concrètes d’étude, d’enseignement et de recherche.

    Une série de lois et de projets de lois vise à enfermer la culture, l’éducation et la recherche dans un carcan idéologique et économique fait d’autonomie, de concurrence, de compétitivité, de caporalisme d’entreprise, de privatisation et de rentabilisation. Toutes des grandes activités de la société française semblent ainsi vouées à être pliées à ce schéma binaire aux principes éculés, dénoncés en ce moment même par la crise mondiale. C’est au tour de l’université et de l’hôpital, heureusement non sans résistance…

    La situation est si préoccupante pour l’avenir du pays, de la pensée et de la culture que les motifs du mouvement des enseignants-chercheurs et des étudiants sont plus culturels que strictement corporatistes. Le mouvement n’est évidemment pas opposé aux indispensables réformes, mais à celles qui, aujourd’hui, aggravent des situations déjà très difficiles; il est opposé aux menaces qui pèsent sur des pans entiers de l’art, de la culture et du savoir en France ; il est opposé à la baisse vertigineuse des moyens et des postes, à la fermeture des sections, des écoles d’art, etc.

    Dans son discours du 22 janvier 2009 sur «l’innovation et la recherche», le Président de la République n’a parlé que de recherche scientifique, en ignorant tous les autres domaines de la recherche, comme il a, quelques jours après à la télévision, passé la Guadeloupe sous silence.

    Devant tant d’adversité, d’indifférence, de mépris ; face à la précarisation et la paupérisation croissantes ; et en dépit des mises au pas et des restrictions qui s’accumulent, une question se pose: pourquoi s’obstiner à vouloir étudier et enseigner la philosophie, les arts, la photographie, la danse, le théâtre, le cinéma, la littérature? Tout simplement parce que, n’en déplaise à ces ignorants qui nous gouvernent, c’est par passion de la culture, de la création, de la pensée, qui sont des outils exceptionnels pour aborder et comprendre le monde nouveau.

    Les chercheurs sont, dans leur domaine, des passeurs d’héritage situés à l’interface des savoirs d’hier, qu’ils ont assimilés, et de ceux de demain, qu’ils tentent d’inventer. Ce ne sont pas des conservateurs qui gèlent, sacralisent et réifient, mais des intercesseurs d’avenir grâce à l’expérience qu’ils ont acquise dans l’épaisseur historique de leur matière.

    Autant les enseignants-chercheurs ont besoin des meilleures conditions de travail possibles, autant ils ont ce privilège immense, dans le monde tel qu’il va, d’être passionnés par leur recherche plus que motivés par leur salaire. Leur recherche déborde largement les cadres d’un travail pour habiter toute leur vie, car on n’est pas chercheur par intermittence ou à durée déterminée.
    On est chercheur lorsque l’on est animé par la passion d’inventer, de défricher, de découvrir plus que par le plaisir d’appliquer et de transmettre.

    Transmettre est plus du côté de l’enseignement qui ne requiert pas les mêmes talents que la recherche. Que les deux activités soient plus différentes que complémentaires explique la force du rejet que les enseignants-chercheurs opposent au projet de loi brandissant un accroissement des heures d’enseignement comme une sanction qui serait imposée aux chercheurs jugés insuffisamment productifs.

    Alors que l’enseignement est une activité de transmission de savoirs constitués, la recherche est, elle, une activité de création, d’invention, d’élaboration de manières nouvelles de penser, de voir, de considérer le monde et les choses.
    C’est pourquoi ses résultats sont toujours incertains, le fruit d’itinéraires souvent sinueux et d’importance variable.

    A l’inverse des activités de production qui, elles, sont planifiables et mesurables, la recherche échappe largement à la mesure.
    Rétive à la rentabilité, elle est, en quelque sorte, une exception au système en son propre sein — ce que ne peut tolérer un pouvoir aveugle et sourd à toute différence, aussi féconde soit-elle.
    En ces temps de pragmatisme, d’utilitarisme, et de pensée comptable, seule trouve grâce auprès du pouvoir la «recherche appliquée» en raison de sa plus grande proximité avec la production et la marchandise que la «recherche fondamentale».

    Quant à la recherche en art, lettres, sciences humaines ou philosophie, de quel poids pèse-t-elle désormais? Faute d’utilité immédiate, faute de perspectives commerciales, faute de potentiels sociaux évidents, elle est totalement marginalisée et méprisée. Affamée. Laminée par la suppression de postes d’enseignants, par la baisse drastique des financements et des bourses d’études, par la difficile professionnalisation des diplômes acquis en ces domaines.
    Les grandes figures qui ont fait rayonner la France dans le monde au cours des dernières décennies — Deleuze, Foucault, Derrida, Lyotard, Barthes, Bourdieu, etc. — auraient-ils pu s’épanouir dans les conditions actuelles ? Sans doute pas, ou beaucoup plus difficilement. Les chercheurs ne sont pas de purs esprits.
    Comme les grands sportifs, ils ont besoin d’infrastructures, de cadres de travail en équipe (laboratoires) et de logistiques, de contacts et de rencontres (colloques), d’institutions de diffusion (universités, instituts, revues, éditeurs, etc.). Ils ont aussi besoin de temps, de confort et de moyens, c’est-à-dire d’un contexte favorable de considération et de stimulation.

    Combien de philosophes, d’esthéticiens, de sémioticiens, d’artistes, de romanciers, etc., ont d’ores et déjà manqué à naître et grandir dans ces circonstances défavorables? Combien d’œuvres, de livres, de concepts, n’ont pas vu le jour ? On ne le saura jamais.
    Le dépérissement de la culture et de l’art a ceci de dramatique qu’il s’opère en silence, de façon indolore, sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment, puisque des œuvres non produites, des concepts non forgés, des théories non formées ne manquent pas. Sans que nous le sachions, leur absence nous prive de manières restées inédites — insoupçonnées et inconcevables — de dire, de voir, de ressentir et de comprendre le monde.

    Il était un temps, de triste mémoire, où les livres étaient brûlés, et éliminés les artistes «dégénérés» et les intellectuels. Les temps et les méthodes ont heureusement changé. Il suffit aujourd’hui de soumettre la recherche et l’université à la logique comptable et concurrentielle de l’entreprise, à l’autorité d’un «patron», pour asphyxier des pans entiers de la pensée vivante d’une nation.

    La recherche, la pensée, la création, c’est pourtant ce qui manque le plus dans le monde troublé d’aujourd’hui. Non pour en simplifier et aplatir la complexité, mais au contraire pour l’affronter et l’expliciter.
    Face à la dictature des plates et lisses apparences, de l’immédiateté, et de l’uniformité, la recherche, la pensée, la création esquissent d’autres voies qui redonnent de l’épaisseur aux choses, en activant la perspective temporelle du passé et de la mémoire, et en opposant à l’hégémonie de la marchandise la profondeur de valeurs éthiques et humaines…

    Seuls les imbéciles, les démagogues, et ceux qui confondent penser avec compter, se défient des chercheurs, ces porteurs de passé, éclaireurs du présent et inventeurs d’avenirs.



    André Rouillé.
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